Conclusions sur l'économie sociale et solidaire, comprenant les coopératives, approuvées par l'OIT

13 Jun 2022
ILC Plenary Conclusions

Par Bruno Roelants, Directeur Général de L'ACI

Les Conclusions concernant le travail décent et l'économie sociale et solidaire (ESS) de l'OIT, incluant explicitement les coopératives, ont été approuvées par la plénière de la Conférence Internationale du Travail (CIT) le 10 juin à Genève, après 10 jours de discussions (31 mai-9 juin) auxquelles l'ACI a participé. Vous pouvez trouver le texte complet ici.

J'ai participé en personne à la Commission de la CIT chargée d'élaborer le texte, après avoir été accrédité par l'Alliance Coopérative Italienne, membre italien de l'ACI, au sein du Groupe des Employeurs (statut similaire à celui que j'avais eu en 2001 et 2002 lors des discussions sur la Recommandation sur la Promotion des Coopératives, 2002 (n*193)), tandis que le Coordinateur des Politiques de l'ACI, Joseph Njuguna, , et le Directeur de la Legislation de l’ACI, Santosh Kumar, ont participé en ligne en tant qu'observateurs, conformément au statut d'observateur de l'ACI à l'OIT, et a prononcé un discours au nom de l'ACI au début des travaux de la Commission.

Les trois mandants de l'OIT, à savoir les gouvernements, les syndicats et les organisations patronales, ont élaboré le texte des conclusions, qui ont été approuvées par la plénière de la CIT le vendredi 10 juin. L'ACI a participé en tant que membre de la Coalition internationale de l'ESS (ICSSE), créée l'année dernière conformément au Plan stratégique 2020-2030 de l'ACI, et regroupant également ICMIF et AIM pour les mutuelles, ainsi que le GSEF et le Forum international de l'ESS. Les représentants de deux membres associés de l'ACI, Gianluca Salvatori pour EURICSE (Italie) ainsi que Filipa Farelo et Eduardo Pedroso pour CASES (Portugal) ont été accrédités auprès de leurs gouvernements respectifs, tandis qu'Eva Cantele, Déléguée Générale de notre partenaire ICSSE SSE Forum, a été accréditée auprès du gouvernement français, qui présidait le Groupe UE au sein de la Commission.  

A partir de la coalition CIEES, nous avons présenté une série de propositions pour le texte au cours des étapes successives de la rédaction, en contact permanent avec les groupes gouvernementaux (Afrique, Amérique latine et Caraïbes, Asie et Pacifique, et UE) ainsi qu'avec les groupes d'employeurs et de syndicats. Ces propositions ont eu un impact substantiel sur le texte final.

Les "conclusions" ne sont pas considérées comme faisant partie des instruments de l'OIT tels que les conventions et les recommandations (dont la négociation prend deux ans) et sont davantage destinées au Conseil d'administration de l'OIT, qui examinera en novembre comment rendre opérationnel ce texte. Néanmoins, comme il s'agit du tout premier texte sur l'ESS négocié entre les membres d'une agence des Nations Unies, il aura probablement un impact substantiel au-delà de l'OIT.

Comme premier résultat, et probablement le plus important, les conclusions incluent une première définition conceptuelle négociée au sein du système des Nations Unies sur ce qu'est l'ESS. La définition stipule dans son paragraphe 5 que :

  • L'ESS comprend “les coopératives, les associations, les sociétés mutuelles, les fondations, les entreprises sociales, les groupes d'entraide et d'autres entités opérant fonctionnant selon ses valeurs et principes".
  • Ses entités " mènent des activités dans tous les secteurs de l'économie".  
  • Elle " comprend les entreprises, les organisations et les autres entités qui mènent des activités économiques, sociales ou environnementales servant un intérêt collectif et/ou l’intérêt général".
  • Elle est fondée “ sur les principes de coopération volontaire et d’entraide, de gouvernance démocratique et/ou participative, d’autonomie et d’indépendance, ainsi que sur la primauté de l’humain et de la finalité sociale sur le capital en ce qui concerne la répartition et l’utilisation des excédents et/ou des bénéfices, ainsi que des actifs”.
  • Ses entités " sont la traduction concrete d’un ensemble de valeurs qui sont indissociables de leur fonctionnement et qui participent du souci des personnes et de la planète, de l’égalité et de l’équité, de l’interdépendance, de l’autogestion, de la transparence et de la responsabilisation, ainsi que de la réalisation du travail décent et de la matérialisation de moyens de subsistance décents".

Les conclusions mentionnent deux fois la recommandation sur la promotion des coopératives, 2002 (n*193) comme l'une de leurs références fondamentales.

Elles soulignent que l'ESS contribue "à des formules établies de longue date et à des solutions novatrices offrant des possibilités de travail décent et permettant de satisfaire les besoins des groups défavorisés et des personnes en situation de vulnérabilité, en particulier les femmes, notamment dans les zones rurales" (6 d), et reconnaissent le “ rôle que joue l’économie sociale et solidaire dans le respect de la dignité humaine, la construction des communautés et la promotion de la diversité et de la solidarité, de même que dans le respect des savoirs et cultures traditionnels, notamment chez les peuples autochtones et tribaux" (6 j), ainsi que le " le potentiel que recèle l’économie sociale et solidaire pour renforcer l’inclusion sociale, en particulier des femmes, des jeunes et des groups défavorisés, tels que les personnes sans emploi, les personnes en situation de handicap, les travailleurs migrants et les peuples autochtones" (7 f).

Les conclusions mentionnent également que les membres de l'OIT devraient " tenir compte de l’économie sociale et solidaire dans les stratégies nationales de développement, de relance et d’emploi sur lesquelles puissent s’appuyer des politiques macroéconomiques, fiscales, industrielles, sociales, environnementales et autres favorables à l’emploi de nature à promouvoir des transitions numérique et environnementale justes et à réduire les inégalités" (9 d) et, " prendre, conformément à la recommandation n°193, des mesures d'appui visant à permettre l'accès aux informations, aux financements, aux marchés, aux technologies, aux infrastructures et à des marchés publics bien réglementés et socialement responsables, en particulier au profit des groupes défavorisés et des personnes en situation de vulnérabilité" (9 h). Ils devraient également "renforcer l'inspection du travail" et " encourager les inspecteurs du travail, les partenaires sociaux et les représentants de l’économie sociale et solidaire à collaborer" pour superviser les entités de l'ESS (9 I) et " améliorer les statistiques relatives à l’économie sociale et solidaire, par exemple au moyen de comptes satellites et d’une collaboration entre les instituts nationaux de statistique et les représentants institutionnels de l’économie sociale et solidaire, de manière à guider la formulation de politiques et la mise en oeuvre de celles-ci" (9 n).

Le texte invite également le Bureau de l'OIT à " oeuvrer à l’élaboration de directives internationales sur les statistiques de l’économie sociale et solidaire et étudier la possibilité de créer un observatoire international chargé des données la concernant, en collaboration avec les réseaux et organismes représentatifs de l’économie sociale et solidaire, afin de contribuer à promouvoir le travail décent" (16 c).

Il convient de mentionner que, tout au long des discussions et en particulier lors des deux premiers jours de déclarations de toutes les parties, y compris les organisations représentatives de l'ESS et les ONG, ainsi qu'en séance plénière de la Conférence à la fin, presque tous les cas et exemples fournis concernaient des coopératives. Il a été rappelé en plénière que la Constitution de l'OIT mentionne les "coopérateurs" dans son Art. 12, et que l'unité Coopérative de l'OIT existe depuis 1920.

Un travail important attend maintenant l'ACI et les autres organisations représentatives regroupées au sein de la coalition CIEES, car un plan de travail sur l'ESS basé sur ces conclusions devrait être présenté au Conseil d'administration de l'OIT en novembre. L'OIT sera alors sous la direction de l'actuel DG élu, Gilbert Houngbo, avec qui j'ai eu une réunion de travail dans le cadre de la transition en cours.

Author:
Bruno Roelants
Organization:
ICA Director General

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